Coût de dette, balayette.
par Clara DaquinUne exposition au 3cinq, Centre
d’art contemporain à Lille en 2022.
En entrant dans l’exposition intitulée « Coût de dette, balayette »,
on aperçoit tout d’abord un tapis de bain Work n°012-2 : Midnight bath (2022) que l’artiste a simplement plié, créant ainsi un croissant de lune.
En face, on découvre accrochées au mur des armes à feu Work n°007 : One shot (2022) réalisées avec ce même geste : l’artiste coupe et crée une nouvelle représentation dans un objet domestique.
Car il ne s’agit pas de l’objet, mais bien de l’idée de l’objet. Comme le fit René Magritte en 19291, Nøne Futbol Club nous propose ici une trahison de la forme, plutôt que de l’image.
De fait, en arrivant dans cet espace d’exposition on pourrait se sentir trahi : on a l’impression d’entrer chez quelqu’un ou encore d’arriver au siège d’une entreprise. Il plane une sorte d’ambiance de bureau à moquette et faux plafond, à laquelle il ne manquerait plus que l’odeur âcre du café soluble.
Cependant, que l’on ne s’y trompe pas, nous sommes bien entrés au centre d’art Trois Cinq Lille, proposant une exposition monographique de Nøne Futbol Club.
Nøne Futbol Club agit sous un sigle, une entité collective dans laquelle l’individualité, le nom, est dissout.
Signer ses œuvres de son propre nom serait trop littéral, trop facile. Les œuvres comportent d’ailleurs chacune un numéro, « Work n°828 », comme si elles étaient d’ores et déjà triées et classées au sein d’un complexe catalogue raisonné. Enfin, les titres – qui pourraient nous donner une indication sur ce qui se présente à nous – sont en forme de jeux ou associations de mots permettant au sens de se dérober et de nous glisser entre les doigts.
Vous l’aurez compris, Nøne Futbol Club est issu d’une génération qui a vite saisi les enjeux et la puissance de la représentation, de l’image et de la communication. Tout au long de l’exposition, le slogan est un fil rouge, qu’il soit populaire, politique ou encore publicitaire.
Les œuvres rassemblées ici résultent toujours d’une action, d’un mouvement, d’un geste qui est figé dans la matière. À l’entrée de l’exposition toujours, on découvre une pièce en métal Work n°4-40 : Coût de dette, balayette (2022) sorte de graphique dont les ondulations représentent un phénomène qui nous échappe ; onde sonore, cours de la bourse ou encore un électrocardiogramme dont le cœur se serait légèrement emballé. Car en se déplaçant au sein de cette exposition, une sensation charnelle et oppressante s’empare de nous, le corps est en réalité dissimulé partout.
S’il n’avait pas été artiste, Nøne Futbol Club aurait pu être danseur ou chorégraphe, tant le corps est omniprésent dans son travail. Le corps se cache dans les objets usuels : la voiture qui le transporte, le tapis qui le porte, le stylo qui le prolonge et lui permet d’écrire, de laisser sa trace, le ventilateur qui le rafraichit, la photographie qui le reproduit Work n°001 : Me Myself and I (2022). Le corps se fait égo trip, il se fait menacer, il est à l’épreuve du feu, mais il est avant tout là pour servir comme nous le rappelle la référence au film Les Temps modernes2 de Chaplin.
« GET MORE » on nous ordonne dans l’œuvre Work n°038. Une injonction à prendre, à tirer profit, à faire plus, à être plus performant, plus fort. Nøne Futbol Club s’intéresse à la chaine de production, l’homme travaille le matériau pour servir sa cause, produire plus, toujours plus, créer de la valeur, vivre mieux et plus longtemps. Le revers de la médaille est que, pour se faire, on pille la terre, le geste crée autant qu’il détruit.
On met le feu, on mord, on fait fondre, on tord, on grave, on allume, on déchire.
À quel moment devient-on esclave du travail ?
L’artiste a mâché des dizaines de stylos, jusqu’à s’en casser les dents. Et que fait-on lorsque le corps est brisé par le travail ? On crée une machine qui fera à sa place comme en témoigne l’œuvre Work n°283 : Elle est nickel (chrome) (2022) : une pince au sein de laquelle sont incrustées les dents moulées de l’artiste, lui permettant de finaliser Work n°282 : The call of the wild (2022) pièce composée de stylos mordus. Ces derniers sont des objets-publicité, objets-slogan, ils présentent différentes marques : GIGN, police, gendarmerie, armée… Un goodies de très mauvais goût.
L’acte de mordre, de mâcher, est un moyen de se calmer, de réguler son stress, sa colère, ou encore de faire passer l’ennui. C’est un instinct animal, une pulsion primaire apaisante, nous permettant de réduire notre anxiété.
Nøne Futbol Club nous indique peut-être ici que l’art, créer, faire œuvre, c’est sa manière à lui de ronger son frein.
De ne pas mettre le feu, de canaliser sa colère, de la détourner et d’en rire même.
« C’est un exutoire » exprime l’artiste derrière l’acronyme.
« Coût de dette, balayette » fait référence à une expression utilisée dans la rue ou dans la cours de récréation pour dire que l’on se débarrasse de quelque chose – ou quelqu’un – de façon expéditive et quelque peu violente.
Ici, il s’agirait de se débarrasser d’une dette légèrement embarrassante.
Depuis toujours on entend parler d’une dette, sociale, publique, d’état, ou encore d’un trou – un manque.
Comme si nous devions quelque chose à quelqu’un, depuis toujours et pour toujours.
Cette situation changera-t-elle, ou ne fera-t-elle que s’aggraver ?
Parfois : balayette ! plus de dette, d’un revers de la main, une dette est effacée.
Cependant, il y a une dette que l’on n’effacera jamais, c’est celle que l’on a envers notre planète. On creuse, on pille, on prélève, on dépouille la terre pour en tirer des ressources, des métaux, de l’énergie.
Au fil de l’exposition, l’atmosphère bureaucratique laisse place à une « ambiance fin du monde », un coup de chaud : les pneus sont cramés, le métal fond et coule, les ventilateurs au plafond sont déformés et ne remplissent plus leur fonction Work n°042 : The rain is gone (2022), les stores ne protègent plus de la lumière, les néons s’embrasent : un réchauffement quelque peu d’actualité.
Dans une société déréglée, au sein de laquelle nos Dieux se sont fait objets ou matières (pneus, stylos, ventilateurs, tapis, acier, bois, étain, papier, métal) la voiture est devenue un emblème, celui de la propriété, de la mobilité, devenue un luxe, et ce d’autant plus après une pandémie mondiale.
C’est cet objet que l’on brûle, que l’on casse, en pleine révolte, c’est lui que l’on érige en symbole d’une souffrance.
Nøne Futbol Club s’empare de notre environnement proche, domestique ou urbain, pour dire une fracture (ou facture) sociale et examiner avec une pointe d’humour des enjeux sociopolitiques. Work n°068 : French Cancan - Ballet (2022) représente des CRS en pleine émeute montant la jambe pour tenter de se protéger, le geste est ici détourné pour créer une enseigne en néon digne du Moulin Rouge. Détournement systématique ou retournement du système.
Si le travail de Nøne Futbol Club prête parfois à sourire, il sait être grave. Il soulève une violence inhérente à notre monde, où l’on érige la vitesse et la productivité en toute puissance. Si cette exposition était une pièce de théâtre, son genre serait le tragi-comique. Une action romanesque, une intrigue tragique et un dénouement heureux. Quoi que, le dénouement, lui, n’est pas certain d’être favorable.
on aperçoit tout d’abord un tapis de bain Work n°012-2 : Midnight bath (2022) que l’artiste a simplement plié, créant ainsi un croissant de lune.
En face, on découvre accrochées au mur des armes à feu Work n°007 : One shot (2022) réalisées avec ce même geste : l’artiste coupe et crée une nouvelle représentation dans un objet domestique.
Car il ne s’agit pas de l’objet, mais bien de l’idée de l’objet. Comme le fit René Magritte en 19291, Nøne Futbol Club nous propose ici une trahison de la forme, plutôt que de l’image.
De fait, en arrivant dans cet espace d’exposition on pourrait se sentir trahi : on a l’impression d’entrer chez quelqu’un ou encore d’arriver au siège d’une entreprise. Il plane une sorte d’ambiance de bureau à moquette et faux plafond, à laquelle il ne manquerait plus que l’odeur âcre du café soluble.
Cependant, que l’on ne s’y trompe pas, nous sommes bien entrés au centre d’art Trois Cinq Lille, proposant une exposition monographique de Nøne Futbol Club.
Nøne Futbol Club agit sous un sigle, une entité collective dans laquelle l’individualité, le nom, est dissout.
Signer ses œuvres de son propre nom serait trop littéral, trop facile. Les œuvres comportent d’ailleurs chacune un numéro, « Work n°828 », comme si elles étaient d’ores et déjà triées et classées au sein d’un complexe catalogue raisonné. Enfin, les titres – qui pourraient nous donner une indication sur ce qui se présente à nous – sont en forme de jeux ou associations de mots permettant au sens de se dérober et de nous glisser entre les doigts.
Vous l’aurez compris, Nøne Futbol Club est issu d’une génération qui a vite saisi les enjeux et la puissance de la représentation, de l’image et de la communication. Tout au long de l’exposition, le slogan est un fil rouge, qu’il soit populaire, politique ou encore publicitaire.
Les œuvres rassemblées ici résultent toujours d’une action, d’un mouvement, d’un geste qui est figé dans la matière. À l’entrée de l’exposition toujours, on découvre une pièce en métal Work n°4-40 : Coût de dette, balayette (2022) sorte de graphique dont les ondulations représentent un phénomène qui nous échappe ; onde sonore, cours de la bourse ou encore un électrocardiogramme dont le cœur se serait légèrement emballé. Car en se déplaçant au sein de cette exposition, une sensation charnelle et oppressante s’empare de nous, le corps est en réalité dissimulé partout.
S’il n’avait pas été artiste, Nøne Futbol Club aurait pu être danseur ou chorégraphe, tant le corps est omniprésent dans son travail. Le corps se cache dans les objets usuels : la voiture qui le transporte, le tapis qui le porte, le stylo qui le prolonge et lui permet d’écrire, de laisser sa trace, le ventilateur qui le rafraichit, la photographie qui le reproduit Work n°001 : Me Myself and I (2022). Le corps se fait égo trip, il se fait menacer, il est à l’épreuve du feu, mais il est avant tout là pour servir comme nous le rappelle la référence au film Les Temps modernes2 de Chaplin.
« GET MORE » on nous ordonne dans l’œuvre Work n°038. Une injonction à prendre, à tirer profit, à faire plus, à être plus performant, plus fort. Nøne Futbol Club s’intéresse à la chaine de production, l’homme travaille le matériau pour servir sa cause, produire plus, toujours plus, créer de la valeur, vivre mieux et plus longtemps. Le revers de la médaille est que, pour se faire, on pille la terre, le geste crée autant qu’il détruit.
On met le feu, on mord, on fait fondre, on tord, on grave, on allume, on déchire.
À quel moment devient-on esclave du travail ?
L’artiste a mâché des dizaines de stylos, jusqu’à s’en casser les dents. Et que fait-on lorsque le corps est brisé par le travail ? On crée une machine qui fera à sa place comme en témoigne l’œuvre Work n°283 : Elle est nickel (chrome) (2022) : une pince au sein de laquelle sont incrustées les dents moulées de l’artiste, lui permettant de finaliser Work n°282 : The call of the wild (2022) pièce composée de stylos mordus. Ces derniers sont des objets-publicité, objets-slogan, ils présentent différentes marques : GIGN, police, gendarmerie, armée… Un goodies de très mauvais goût.
L’acte de mordre, de mâcher, est un moyen de se calmer, de réguler son stress, sa colère, ou encore de faire passer l’ennui. C’est un instinct animal, une pulsion primaire apaisante, nous permettant de réduire notre anxiété.
Nøne Futbol Club nous indique peut-être ici que l’art, créer, faire œuvre, c’est sa manière à lui de ronger son frein.
De ne pas mettre le feu, de canaliser sa colère, de la détourner et d’en rire même.
« C’est un exutoire » exprime l’artiste derrière l’acronyme.
« Coût de dette, balayette » fait référence à une expression utilisée dans la rue ou dans la cours de récréation pour dire que l’on se débarrasse de quelque chose – ou quelqu’un – de façon expéditive et quelque peu violente.
Ici, il s’agirait de se débarrasser d’une dette légèrement embarrassante.
Depuis toujours on entend parler d’une dette, sociale, publique, d’état, ou encore d’un trou – un manque.
Comme si nous devions quelque chose à quelqu’un, depuis toujours et pour toujours.
Cette situation changera-t-elle, ou ne fera-t-elle que s’aggraver ?
Parfois : balayette ! plus de dette, d’un revers de la main, une dette est effacée.
Cependant, il y a une dette que l’on n’effacera jamais, c’est celle que l’on a envers notre planète. On creuse, on pille, on prélève, on dépouille la terre pour en tirer des ressources, des métaux, de l’énergie.
Au fil de l’exposition, l’atmosphère bureaucratique laisse place à une « ambiance fin du monde », un coup de chaud : les pneus sont cramés, le métal fond et coule, les ventilateurs au plafond sont déformés et ne remplissent plus leur fonction Work n°042 : The rain is gone (2022), les stores ne protègent plus de la lumière, les néons s’embrasent : un réchauffement quelque peu d’actualité.
Dans une société déréglée, au sein de laquelle nos Dieux se sont fait objets ou matières (pneus, stylos, ventilateurs, tapis, acier, bois, étain, papier, métal) la voiture est devenue un emblème, celui de la propriété, de la mobilité, devenue un luxe, et ce d’autant plus après une pandémie mondiale.
C’est cet objet que l’on brûle, que l’on casse, en pleine révolte, c’est lui que l’on érige en symbole d’une souffrance.
Nøne Futbol Club s’empare de notre environnement proche, domestique ou urbain, pour dire une fracture (ou facture) sociale et examiner avec une pointe d’humour des enjeux sociopolitiques. Work n°068 : French Cancan - Ballet (2022) représente des CRS en pleine émeute montant la jambe pour tenter de se protéger, le geste est ici détourné pour créer une enseigne en néon digne du Moulin Rouge. Détournement systématique ou retournement du système.
Si le travail de Nøne Futbol Club prête parfois à sourire, il sait être grave. Il soulève une violence inhérente à notre monde, où l’on érige la vitesse et la productivité en toute puissance. Si cette exposition était une pièce de théâtre, son genre serait le tragi-comique. Une action romanesque, une intrigue tragique et un dénouement heureux. Quoi que, le dénouement, lui, n’est pas certain d’être favorable.
After Marcel Duchamp
by Jessica CastexExcerpt from the catalogue
“Co-workers, the network as artist.”
Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, 2015.
The name of this artist collective and its use as a logo, echoes the transversal aspect of their practice and the plurality of their field of action. “Nøne Futbol Club” associates three terms with Scandinavian (the letter “ø”), Spanish (Fútbol) and English (club) origins. The letter “ø” which is pronounced like a long French “e”, and which modifies the English word “none”, is also the mathematical symbol for an empty set.
Works by this collective embody the metaphor of an artistic process integrating references to games, popular culture, and hacking. The duet, who has been artists and graphic designers for several years now, has created a language that has been enriched by the vocabulary of these two fields. Their performances, sculptures, and installations all claim a rebel attitude mainly based on humour, for instance in the video installation Work nº 075: Ici c’est Paris (2012), a series of portraits showing a young generation ready for battle, letting white smoke out of their nostrils, like bulls in an arena.
The phrases they collect in the urban space sound like slogans. In Work nº 054: Keep warm burnout the rich (2011), these words, which were a graffiti made during the 2008 riots in Athens, become a branding iron. A playful vocabulary is added to the struggle one: for instance the artists disassemble a police car only to reassemble it backwards (Work nº 911: All Cars Are Beautiful, 2013).
They play with codes from mass culture by appropriating the vocabulary of advertising, reality shows, science-fiction films as well as the use of social networks. By putting society under the scrutiny of their ferocious humour, they mock celebrities (Liza Minnelli, Donatella Versace) abusing plastic surgery and bodybuilders obsessed with modelling their body. Thus, in Work nº 076: Stay hungry (2013), Mister Universe’s muscles made of caramel melt under the heat of the exhibition lighting.
Work nº 2B: La Tonsure (after Marcel Duchamp) (2015) experiments with the infiltration of art in the football world. After noticing that haircuts where one of the few areas of freedom left to football players, the artists asked a former player from the French national team, Djibril Cissé, to reproduce the famous “Tonsure” by Marcel Duchamp, immortalised by Man Ray. Videos and photographs of Cissé displaying this new haircut circulated on the active networks of the football sphere. Nøne Futbol Club attempts here to understand the impact of an archetype image of modernity, Man Ray’s image, on the supporters. The project also makes use of this visual representation for the creation of objects, in order to question the notion of aesthetics in advertising.
Works by this collective embody the metaphor of an artistic process integrating references to games, popular culture, and hacking. The duet, who has been artists and graphic designers for several years now, has created a language that has been enriched by the vocabulary of these two fields. Their performances, sculptures, and installations all claim a rebel attitude mainly based on humour, for instance in the video installation Work nº 075: Ici c’est Paris (2012), a series of portraits showing a young generation ready for battle, letting white smoke out of their nostrils, like bulls in an arena.
The phrases they collect in the urban space sound like slogans. In Work nº 054: Keep warm burnout the rich (2011), these words, which were a graffiti made during the 2008 riots in Athens, become a branding iron. A playful vocabulary is added to the struggle one: for instance the artists disassemble a police car only to reassemble it backwards (Work nº 911: All Cars Are Beautiful, 2013).
They play with codes from mass culture by appropriating the vocabulary of advertising, reality shows, science-fiction films as well as the use of social networks. By putting society under the scrutiny of their ferocious humour, they mock celebrities (Liza Minnelli, Donatella Versace) abusing plastic surgery and bodybuilders obsessed with modelling their body. Thus, in Work nº 076: Stay hungry (2013), Mister Universe’s muscles made of caramel melt under the heat of the exhibition lighting.
Work nº 2B: La Tonsure (after Marcel Duchamp) (2015) experiments with the infiltration of art in the football world. After noticing that haircuts where one of the few areas of freedom left to football players, the artists asked a former player from the French national team, Djibril Cissé, to reproduce the famous “Tonsure” by Marcel Duchamp, immortalised by Man Ray. Videos and photographs of Cissé displaying this new haircut circulated on the active networks of the football sphere. Nøne Futbol Club attempts here to understand the impact of an archetype image of modernity, Man Ray’s image, on the supporters. The project also makes use of this visual representation for the creation of objects, in order to question the notion of aesthetics in advertising.
Le nom de ce collectif d’artistes et sa déclinaison sous forme de logo reflètent la transversalité de leur pratique et la pluralité de leurs champs d’action. « Nøne Futbol Club » associe trois termes aux consonances nordique (la lettre « ø »), espagnole (fútbol) et anglaise (club). La lettre « ø », qui se prononce « eu » et modifie ici le mot anglais none (« aucun, personne »), est aussi en mathématiques le symbole d’un ensemble vide.
L’oeuvre de ce collectif incarne la métaphore d’un processus artistique assimilant les références au jeu, à la culture populaire et au hacking. Artistes et graphistes durant quelques années, le duo a créé un langage qui s’est enrichi du vocabulaire de ces deux domaines. Leurs performances, sculptures et installations affirment un esprit rebelle usant principalement de l’humour, comme dans l’installation vidéo Work n°075 : Ici c’est Paris (2012), série de portraits d’une jeune génération prête au combat, laissant échapper une fumée blanche par les narines a l’image des taureaux dans l’arène.
Les formules prélevées dans l’espace urbain sonnent comme des slogans. Dans Work n°054 : Keep warm burnout the rich (2011), l’expression, issue d’un graffiti exécuté lors des émeutes d’Athènes en 2008, est devenue un fer à marquer le bétail. Au langage de la révolte s’ajoute celui du jeu : les artistes démontent par exemple une voiture de police pour la remonter à l’envers (Work n°911 : All Cars Are Beautiful, 2013).
Ils détournent les codes de la culture de masse, en s’appropriant le vocabulaire de la publicité, de la téléréalité et du cinéma de science-fiction, ainsi que l’usage des réseaux sociaux. Passant la société de l’image au crible de leur humour féroce, ils se moquent de célébrités (Liza Minnelli, Donatella Versace) qui abusent de la chirurgie esthétique et des culturistes obsédés par le remodelage de leur corps. Ainsi, dans Work n°076 : Stay hungry (2013), les muscles d’un Mister Univers en caramel fondent sous la chaleur de l’éclairage d’exposition.
Work nº2B : La Tonsure (after Marcel Duchamp) (2015) expérimente l’infiltration du monde du football par l’art. Les artistes ayant constaté que les coupes de cheveux des footballeurs constituaient un des rares espaces d’expression libre dont ces derniers disposent, ils ont proposé à un ancien joueur de l’équipe de France, Djibril Cissé, de reproduire la célèbre Tonsure de Marcel Duchamp immortalisée par Man Ray. Les films et photographies de Cissé arborant cette nouvelle coupe ont circulé ensuite sur les réseaux actifs de la sphère footballistique. Nøne Futbol Club tente ainsi de cerner l’impact d’une image archétypale de la modernité, celle de Man Ray, sur les supporters. Le projet décline également ce signe visuel en objets, afin de questionner la notion d’esthétisme publicitaire.
L’oeuvre de ce collectif incarne la métaphore d’un processus artistique assimilant les références au jeu, à la culture populaire et au hacking. Artistes et graphistes durant quelques années, le duo a créé un langage qui s’est enrichi du vocabulaire de ces deux domaines. Leurs performances, sculptures et installations affirment un esprit rebelle usant principalement de l’humour, comme dans l’installation vidéo Work n°075 : Ici c’est Paris (2012), série de portraits d’une jeune génération prête au combat, laissant échapper une fumée blanche par les narines a l’image des taureaux dans l’arène.
Les formules prélevées dans l’espace urbain sonnent comme des slogans. Dans Work n°054 : Keep warm burnout the rich (2011), l’expression, issue d’un graffiti exécuté lors des émeutes d’Athènes en 2008, est devenue un fer à marquer le bétail. Au langage de la révolte s’ajoute celui du jeu : les artistes démontent par exemple une voiture de police pour la remonter à l’envers (Work n°911 : All Cars Are Beautiful, 2013).
Ils détournent les codes de la culture de masse, en s’appropriant le vocabulaire de la publicité, de la téléréalité et du cinéma de science-fiction, ainsi que l’usage des réseaux sociaux. Passant la société de l’image au crible de leur humour féroce, ils se moquent de célébrités (Liza Minnelli, Donatella Versace) qui abusent de la chirurgie esthétique et des culturistes obsédés par le remodelage de leur corps. Ainsi, dans Work n°076 : Stay hungry (2013), les muscles d’un Mister Univers en caramel fondent sous la chaleur de l’éclairage d’exposition.
Work nº2B : La Tonsure (after Marcel Duchamp) (2015) expérimente l’infiltration du monde du football par l’art. Les artistes ayant constaté que les coupes de cheveux des footballeurs constituaient un des rares espaces d’expression libre dont ces derniers disposent, ils ont proposé à un ancien joueur de l’équipe de France, Djibril Cissé, de reproduire la célèbre Tonsure de Marcel Duchamp immortalisée par Man Ray. Les films et photographies de Cissé arborant cette nouvelle coupe ont circulé ensuite sur les réseaux actifs de la sphère footballistique. Nøne Futbol Club tente ainsi de cerner l’impact d’une image archétypale de la modernité, celle de Man Ray, sur les supporters. Le projet décline également ce signe visuel en objets, afin de questionner la notion d’esthétisme publicitaire.
Idiots, pundits?
by Nicolas RosetteText published in the critical monitoring program of the Salon de Montrouge artists, 2013.
Nøne Futbol Club is a duo that is capable of mobilizing as many accomplices as necessary to make their works and performances. The playful component is inseparable from their creative process which tackles the world like a playground for the expression of an art whose nature has continually bordered on the cellophane of the white cube and the great palaces must take the risk of being a mass distribution product.
The recursive principle in their work is reversal. It is not about diverting elements from pop culture(or popular culture, the term changing depending on whether this culture comes to us from one side or the other of the Atlantic Ocean) but of a reversal whose final address is always popular culture. A double inversion, whose process of revelation reflects back to us as in a mirror the possible destiny of an art world which has become less subtle than the current popular media cultures; whose practices of critical and jubilatory diversions are the foundation. Would the Nøne Futbol Club be applying to contemporary art what digital cultures have subjected Chuck Norris, the pope and Darth Vador to?
If their work can evoke that of the surrealists (for the crazy aspect) and the situationists (by the use of mass media culture) it is not through a specific desire for lineage.
In their performance Work nº 096: just married where they availed of a Parisian bus stopping to take on passengers to stick a “just married” placard on the back with a half-dozen saucepans, it is not as much the choice of elements (bus, Paris, idealized image ironmonger on marriage, performance) than the playful hacking of the urban ordinary that is at work in Work nº 078: Ram-raid when they attack the exhibition space intended to host them using a car as a battering ram. If this performance can seem to fit into a tradition, the intention here is however for a mise en abyme: who is robbing what, ultimately?
The most significant series of works and the most literal of the reversal that the artists are operating is undoubtedly the Renault cars of the 1970s and 1980s of which each piece of the body and interior work has been meticulously turned over, presenting to the exterior what should be in the interior. Heckling our perceptions and our feelings about the inside/outside, the series attacks popular representations of the car where the taste for mechanics, the morbidity of accidents, the car as a receptacle for rebellion and the fascination of the object that has become sculptural are combined. Responding as much to cynical production criteria of works by the diversion of pop icons as to a subtle desire to confront ourselves with our cultural depictions, these automobile sculptures are both seductive and iconoclast; like their creators.
The recursive principle in their work is reversal. It is not about diverting elements from pop culture(or popular culture, the term changing depending on whether this culture comes to us from one side or the other of the Atlantic Ocean) but of a reversal whose final address is always popular culture. A double inversion, whose process of revelation reflects back to us as in a mirror the possible destiny of an art world which has become less subtle than the current popular media cultures; whose practices of critical and jubilatory diversions are the foundation. Would the Nøne Futbol Club be applying to contemporary art what digital cultures have subjected Chuck Norris, the pope and Darth Vador to?
If their work can evoke that of the surrealists (for the crazy aspect) and the situationists (by the use of mass media culture) it is not through a specific desire for lineage.
In their performance Work nº 096: just married where they availed of a Parisian bus stopping to take on passengers to stick a “just married” placard on the back with a half-dozen saucepans, it is not as much the choice of elements (bus, Paris, idealized image ironmonger on marriage, performance) than the playful hacking of the urban ordinary that is at work in Work nº 078: Ram-raid when they attack the exhibition space intended to host them using a car as a battering ram. If this performance can seem to fit into a tradition, the intention here is however for a mise en abyme: who is robbing what, ultimately?
The most significant series of works and the most literal of the reversal that the artists are operating is undoubtedly the Renault cars of the 1970s and 1980s of which each piece of the body and interior work has been meticulously turned over, presenting to the exterior what should be in the interior. Heckling our perceptions and our feelings about the inside/outside, the series attacks popular representations of the car where the taste for mechanics, the morbidity of accidents, the car as a receptacle for rebellion and the fascination of the object that has become sculptural are combined. Responding as much to cynical production criteria of works by the diversion of pop icons as to a subtle desire to confront ourselves with our cultural depictions, these automobile sculptures are both seductive and iconoclast; like their creators.
Nøne Futbol Club est un duo capable de mobiliser autant de complices que nécessaire pour réaliser leurs œuvres et leurs performances. La composante ludique est indissociable de leur processus de création qui aborde le monde comme un terrain de jeu pour l’expression d’un art dont la nature sans cesse confinée à la cellophane des white cube et des grands palais doit prendre le risque d’être un produit de grande distribution.
Le principe récursif dans leur travail est le retournement. Il ne s’agit pas de détournement d’éléments de la pop culture (ou de la culture populaire, le terme changeant selon si cette culture nous vient d’un côté ou de l’autre de l’océan Atlantique) mais d’un retournement dont l’adresse finale est toujours la culture populaire. Une double inversion, dont le procédé de révélation nous renvoie en miroir les devenir possibles d’un monde de l’art devenu moins subtil que les cultures médiatiques populaires actuelles ; dont les pratiques de détournements critiques et jubilatoires sont le fondement. Nøne Futbol Club serait-il en train d’appliquer à l’art contemporain ce que les cultures numériques ont fait subir à Chuck Norris, le Pape ou Dark Vador ?
Si leur travail peut évoquer celui des surréalistes (pour l’aspect loufoque) et des situationnistes (par l’utilisation de la culture mass media) ce n’est pas par désir particulier de filiation.
Dans leur performance Work nº096 : just married, où ils profitent de l’arrêt d’un bus parisien en train d’embarquer des voyageurs pour lui coller à l’arrière une pancarte « just married » et une demi-douzaine de casseroles, ce n’est pas tant le choix des éléments (bus, Paris, image d’Epinal quincaillière sur le mariage, performance) que le hack espiègle de l’ordinaire urbain avec pour finalité de contester la facture sociale établie. C’est une même mécanique qui est à l’œuvre dans Work n°78 – Ram Raid lorsqu’ils attaquent à la voiture bélier l’espace d’exposition sensé les accueillir. Si cette performance peut sembler s’inscrire dans une tradition, l’intention ici est cependant mise en abîme : qui cambriole quoi, finalement ?
La série d’œuvres la plus marquante et la plus littérale de la démarche de retournement qu’opèrent les artistes est sans doute ces voitures Renault des années 70 et 80 dont chaque pièce de carrosserie et d’habillement intérieur ont été méticuleusement retournées, présentant à l’extérieur ce qui devrait être à l’intérieur. Chahutant nos perceptions et nos ressentis du dedans/dehors, la série s’en prend aux représentations populaires de l’automobile où se mélangent le goût de la mécanique, la morbidité de l’accident, la voiture comme réceptacle de l’insurrection et la fascination de l’objet devenu sculptural. Répondant aussi bien à des critères cyniques de production d’œuvres par le détournement d’icônes pop qu’à un désir subtil de nous confronter à nos représentations culturelles, ces sculptures automobiles sont à la fois séduisantes et iconoclastes ; à l’instar de leur créateurs.
Le principe récursif dans leur travail est le retournement. Il ne s’agit pas de détournement d’éléments de la pop culture (ou de la culture populaire, le terme changeant selon si cette culture nous vient d’un côté ou de l’autre de l’océan Atlantique) mais d’un retournement dont l’adresse finale est toujours la culture populaire. Une double inversion, dont le procédé de révélation nous renvoie en miroir les devenir possibles d’un monde de l’art devenu moins subtil que les cultures médiatiques populaires actuelles ; dont les pratiques de détournements critiques et jubilatoires sont le fondement. Nøne Futbol Club serait-il en train d’appliquer à l’art contemporain ce que les cultures numériques ont fait subir à Chuck Norris, le Pape ou Dark Vador ?
Si leur travail peut évoquer celui des surréalistes (pour l’aspect loufoque) et des situationnistes (par l’utilisation de la culture mass media) ce n’est pas par désir particulier de filiation.
Dans leur performance Work nº096 : just married, où ils profitent de l’arrêt d’un bus parisien en train d’embarquer des voyageurs pour lui coller à l’arrière une pancarte « just married » et une demi-douzaine de casseroles, ce n’est pas tant le choix des éléments (bus, Paris, image d’Epinal quincaillière sur le mariage, performance) que le hack espiègle de l’ordinaire urbain avec pour finalité de contester la facture sociale établie. C’est une même mécanique qui est à l’œuvre dans Work n°78 – Ram Raid lorsqu’ils attaquent à la voiture bélier l’espace d’exposition sensé les accueillir. Si cette performance peut sembler s’inscrire dans une tradition, l’intention ici est cependant mise en abîme : qui cambriole quoi, finalement ?
La série d’œuvres la plus marquante et la plus littérale de la démarche de retournement qu’opèrent les artistes est sans doute ces voitures Renault des années 70 et 80 dont chaque pièce de carrosserie et d’habillement intérieur ont été méticuleusement retournées, présentant à l’extérieur ce qui devrait être à l’intérieur. Chahutant nos perceptions et nos ressentis du dedans/dehors, la série s’en prend aux représentations populaires de l’automobile où se mélangent le goût de la mécanique, la morbidité de l’accident, la voiture comme réceptacle de l’insurrection et la fascination de l’objet devenu sculptural. Répondant aussi bien à des critères cyniques de production d’œuvres par le détournement d’icônes pop qu’à un désir subtil de nous confronter à nos représentations culturelles, ces sculptures automobiles sont à la fois séduisantes et iconoclastes ; à l’instar de leur créateurs.